<286>Et parez des présents de Flore
Les tristes glaçons des hivers.
Ainsi puissiez-vous vivre encore
Jusqu'à la fin de l'univers!
Tandis que ma muse légère,
Dans sa fantasque carrière,
En badinant fait ces tableaux,
Dieux! quelle douleur immortelle,
De qui l'accablante nouvelle
Glace mon sang dans ses vaisseaux!
La Mort, de ses ailes funèbres,
Vient de couvrir de ses ténèbres
Mon tendre ami, mon cher Jordan.
Je le pleure, hélas! sans ressource,
Il est emporté par la course
Du plus impétueux torrent.
Des arts c'était le tendre amant,
Et, dans les jardins d'Uranie,
Son aimable philosophie
Et ses sceptiques entretiens
Conduisaient mes pas incertains.
Adieu, vains plaisirs de la vie,
Prestiges, frivoles festins,
Adieu, divine poésie,
Nectar, Hippocrène, ambroisie,
Bacchanales et jeux badins,
Et vous, charmante frénésie
Qui de mon âme épanouie
Chantait les hymnes libertins.
Comment, sous la serre cruelle
De l'impitoyable vautour,
La gémissante tourterelle
Peut-elle chanter son amour?
Ainsi, malheureuse colombe,
Dans la douleur où je succombe,
Et dans l'excès de mes regrets,
Je vais suspendre à ses cyprès
Ou briser dans sa triste tombe
Mon luth, et n'en jouer jamais.
Je ne vous fais aucune réparation, car vous n'en méritez point; et je vous appellerai ingrat, volage et perfide, jusqu'au moment où je jouirai plus souvent de votre aimable compagnie, et où je