<35>enchantée pour attendre que j'en aie fini la lecture. Il faut, monseigneur, pour le bonheur du monde, que V. A. R. donne cet ouvrage au public. Votre nom n'y sera pas, mais votre cachet, je veux dire, cet amour du bien public et de l'humanité y sera, et il n'y a aucun de ceux qui ont le bonheur de connaître V. A. R. qui ne l'y doive reconnaître. En lisant l'Antimachiavel, on croirait que V. A. R. ne s'est occupée toute sa vie que des méditations de la politique; mais moi, qui sais que ses talents s'étendent à tout, j'oserais lui parler de la métaphysique de Wolff et de Leibniz, dont je me suis imaginé de faire une petite esquisse en français, si la lecture des ouvrages de V. A. R. me laissait assez de témérité pour lui envoyer les miens. Ces idées sont toutes nouvelles pour les têtes françaises, et peut-être que, habillées à notre mode, elles pourraient réussir; mais il faudrait l'éloquence et la profondeur de V. A. R. pour remplir cette carrière. Cependant, si vous l'ordonnez, et si vos occupations vous en laissent le temps, j'aurai l'honneur d'en envoyer quelques chapitres à V. A. R. Il me semble que les habitants de Cirey, en quelque lieu qu'ils soient, vous doivent les prémices de leurs travaux, et si V. A. R. daignait corriger l'ouvrage, je serais bien sûre du succès.

Je suis, etc.

18. A LA MARQUISE DU CHATELET.

Berlin, 18 mars 1740.



Madame,

Les ouvrages d'une dame qui réunit un esprit mâle et profond à la délicatesse et au goût qui est le partage de son sexe ne sauraient que m'être bien agréables; ce ne sera plus de Wolff, mais ce sera de la bouche de Minerve que je recevrai mes instructions. Il est à croire, madame, que vous rendrez wolffiens ceux qui liront votre ouvrage. L'esprit est facile à convaincre lorsque le cœur est touché. Je vous réponds de ma conviction; il ne dépend à présent que de vous de l'entreprendre en m'envoyant cet abrégé