<36>précieux. Il fallait à notre didactique et pesant philosophe allemand le secours d'un génie vif et éclairé comme le vôtre pour abréger l'ennui de ses répétitions et pour rendre agréable son extrême sécheresse; son or, passé par votre creuset, n'en deviendra que plus pur.
La Réfutation de Machiavel, dont votre indulgence m'applaudit, aurait peut-être mieux réussi, si j'avais eu tout le loisir nécessaire; mais il y a quatre mois que je suis ici, c'est-à-dire, dans l'endroit du monde le plus tumultueux et le moins propre à ce recueillement d'esprit que demandent des ouvrages réfléchis. J'ai fait une trêve avec Voltaire, le priant de m'accorder quelques semaines de délai, après quoi je lui ai promis d'être impitoyable à l'égard des fautes qui me sont échappées dans la composition de cet ouvrage.
Césarion convalescent vous marque lui-même, par la lettre ci-jointe, combien il est sensible à votre souvenir. Nous parlons de Cirey comme les Juifs de Jérusalem. En effet, votre maison mérite bien autant d'être appelée un temple que cet édifice superbe construit par Salomon, à la différence près que souvent la superstition et l'ignorance habitaient les sacrés portiques et le sanctuaire de ces lieux détruits par Titus, et que la sagesse et les plaisirs ont établi leur domicile dans l'aimable maison dont vous et Voltaire êtes les divinités.
Si vous vous apercevez à Bruxelles de quelque légère fumée, d'une odeur d'ambre et d'un vent du nord, souvenez-vous que ce sont nos encens, et que vous ne recevez d'aucun lieu de la terre un culte aussi pur et des hommages aussi sincères que le sont les nôtres.
Je suis avec une très-parfaite estime,
Madame,
Votre très-affectionné ami.