37. DU MÊME.
Berlin, 21 février 1741.
Sire,
L'on assure que Votre Majesté a donné un texte aux prédicateurs de Silésie, sur lequel ils doivent prêcher. Ces paroles sont si bien choisies, qu'elles méritent d'être rapportées. On les trouve dans le premier livre des Machabées, chap. XV, v. 33, 34 : « Mais Simon lui <88>répondit et dit : Nous n'avons point pris le pays d'autrui, et nous n'en tenons point d'autre; mais c'est l'héritage de nos pères qui a été pendant quelque temps injustement possédé par nos ennemis. Mais lorsque le temps nous a été favorable, nous avons repris l'héritage de nos pères » Ce qu'il y a de fâcheux dans tout cela pour nos protestants zélés, c'est que ce livre, comme V. M. le sait parfaitement, n'est point reçu parmi nous; il ne l'est que par les catholiques.
La Nouvelle Bibliothèque de novembre 1740 fait un extrait de l'Antimachiavel, dont il paraît des traductions en allemand, en italien et en anglais. « Nous ne connaissons, dit le journaliste, aucun auteur ou plutôt aucun livre de morale comparable à celui-ci..... Ce qui nous étonne, c'est ce langage si pur, cet usage si singulier d'une langue qui n'est pas, dit-on, celle de l'auteur. Plusieurs morceaux nous ont semblé écrits dans des termes si énergiques, le mot propre nous a paru si souvent employé et si souvent mis à sa place, que nous avons douté quelque temps que l'ouvrage soit d'un étranger. » L'auteur fait un parallèle de Télémaque et du Machiavel; il donne toute la préférence au dernier, soit par rapport au style, soit par rapport aux choses. « Ici, dit-il, on voit un style uni, mais vigoureux et plein, un langage mâle, fait pour les choses sérieuses que l'on traite. » Enfin, il remarque qu'il y a des endroits, dans ce livre, qui supposent une connaissance profonde de la métaphysique.
Je ne pense, ma foi, plus depuis le départ de V. M. Il y a des ténèbres et des ombres fortes dans mon esprit.
J'ai l'honneur et le bonheur d'être avec reconnaissance et un respect profond, etc.