83. AU MÊME.
Camp de la Neisse, 15 septembre 1741.
De Neiss, Jordan, je vous écris
Que ce projet qu'enfanta ma prudence.
Ami, n'a pas mieux réussi
Que le rocher qui fit une souris.
Vous connaissez la lente suffisance
De ce mentor147-a à qui, dans mon enfance,
<134>Le soin de mes jours fut commis;
Par sa flegmatique indolence
Neipperg avec nos ennemis
Ont prévenu l'instant d'être surpris.
Malgré ce contre-temps funeste,
Je poursuis mes premiers desseins.
Vienne dans peu doit jouer de son reste.
J'en ai mêlé les cartes de mes mains;
Et dans ce mois où la feuille fanée
Annonce la fin de l'année,
Mars ramenant la douce paix
Dont la campagne fortunée
De Berlin fait le centre des attraits,
Nous goûterons l'heureuse destinée
De gens sans guerre et sans procès.
Nous sommes ici vis-à-vis de l'ennemi, et très-près les uns des autres. Neipperg n'ose ... devant nous sans craindre que nous ne l'entendions, de sorte que la bataille est plus vraisemblable que jamais. Nous avons le plus beau camp du monde, et ces deux armées qu'on aperçoit d'un coup d'œil semblent deux furieux lions couchés tranquillement chacun dans leur repaire.
Écrivez-moi souvent, et soyez persuadé que l'amitié que j'ai pour vous est inviolable. Adieu.
147-a M. Duhan de Jandun.