143. DE M. JORDAN.

Berlin, 2 juin 1742.



Sire,

Toutes les gazettes sont remplies des faits glorieux de l'armée prussienne, qui, dans l'histoire, figurera côte à côte de la légion <217>fulminante, sous l'épithète d'invincible. On dit ici que, nonobstant la défaite de l'armée autrichienne, on a chanté le Te Deum à Vienne. Je ne saurais m'imaginer que cela soit vrai; on n'en dit rien dans les nouvelles publiques. Il y a une feuille qui paraît en Hollande, qu'on nomme le Magasin politique, qui n'a pas l'art de ménager ses expressions. Le Spectateur en Allemagne, qui se fait à Berlin, lui donnera sur les doigts comme il le mérite.

On fait ici des gageures sur l'arrivée du transport des troupes anglaises; il y en a qui prétendent que le premier en est arrivé à Ostende, et d'autres qui disent le contraire. S'il n'est pas fait encore, la victoire de V. M. pourrait bien l'empêcher pour toujours.

On dit ici que le maréchal de Belle-Isle ira à Vienne, après avoir été à Dresde, à Prague et au camp de V. M. Cette démarche fait entrevoir une lueur de paix qui fait plaisir à tout le monde.

Algarotti quitte Dresde, et s'en va en Italie, fort dégoûté de l'Allemagne. Ses amis croient qu'il se jettera dans l'Église.

On dit ici les Français devant Passau. On voudrait voir les troupes de V. M. dans l'inaction pendant le reste de la campagne; c'est une belle qu'il faut ménager et ne pas mettre sur les dents. V. M. a supporté jusqu'ici tout le poids de la guerre; ses alliés n'ont rien fait. C'est à eux, à présent, à payer leur quote-part. Voilà les discours du public politique. Tous les francs-maçons m'ont chargé de demander à V. M. la permission de faire, le jour de la Saint-Jean, une procession avec la musique, comme cela se pratique en Angleterre. J'attends les ordres de V. M. sur ce sujet, pour les leur communiquer.

Césarion continue toujours à tenir le lit. Que l'espérance de voir bientôt ici V. M. est une espérance agréable! Qu'elle a de vertu et d'efficace sur mon esprit!

J'ai l'honneur d'être, etc.