112. DU COMTE ALGAROTTI.
Bologne, 12 janvier 1758.
Sire,
Res gerere et captos ostendere civibus hostes
Attingit solium Jovis et coelestia tentat,
dit votre Horace;a et quel triomphe pour vous, Sire, que trente-six mille prisonniers de guerre faits dans l'espace de quinze jours! Blenheim y est pour peu de chose; V. M. même n'a fait, pour ainsi dire, que préluder à Rossbach. Celle-ci est la véritable apothéose. Et avec quel sang-froid V. M. ne fait-elle pas tout cela! Elle écrit tranquillement de son camp qu'elle est occupée à reprendre Breslau, comme César écrivit à ses amis qu'il faisait devant le préside de Brindisi une jetée dans la mer, ut aut Pompeium cum legionibus capiam, aut Italia prohibeam. Mais la différence est que César, à Brindisi, non cepit Pompeium cum legionibus, et V. M., à Breslau, cepit generales cum bataillonibus.a Parmi les grandissimes choses que V. M. a faites en si peu de temps, il y en a une, permettez-moi, Sire, de vous la rappeler, qui m'a infiniment touché. C'est ce lendemain de la journée du 5, lorsque V. M. a bien voulu remercier solennellement son armée. Je suis bien sûr, Sire, que les dixièmes dont elle est composée auront été encore plus touchées des remercîments de leur compagnon et de leur roi que des récompenses dont il les a comblées. Parmi vos triomphes de toute espèce, daignez, Sire, mêler les acclamations et la voix de votre serviteur, qui se félicite d'être né dans votre siècle, et plus encore d'appartenir à V. M.
a Épîtres, liv. I, ép. 17, v. 33 et 34.
a Allusion au 34e chapitre de la Vie de Jules César, par Suétone.