113. AU COMTE ALGAROTTI.
Breslau, 16 janvier 1758.
Je suis bien flatté de l'intérêt que vous continuez de prendre au succès de mes armes, et de la nouvelle marque que vous venez de me donner de votre attachement par le compliment que vous me faites à l'occasion de la victoire que j'ai remportée le 5 de décembre sur l'armée autrichienne. Mais, quoique les suites de cet événement aient été aussi rapides qu'importantes, les augures que vous en tirez pour le rétablissement de la paix n'en paraissent pas être moins prématurés, et il y a toute apparence que je servirai encore cette année d'amusement aux gazetiers et à la curiosité de vos nouvellistes.
En attendant, je prie Dieu qu'il vous ait en sa sainte et digne garde.
114. AU MÊME.
...... aPenitusque in viscera lapsum
Serpentis furiale malum, totamque pererrat;
Tum vero infelix, ingentibus excita monstris,
Immensam sine more furit lymphata per urbem.b
La Discorde, s'étant approchée d'Amate, empoisonna son cœur, et elle devint furieuse contre Énée. Vous voyez bien qu'il ne
a Le manuscrit de cette lettre est de la main d'un secrétaire, et n'est que signé par le Roi, qui semble vouloir persifler les fréquents passages latins qu'Algarotti, à l'exemple de Montaigne, avait coutume d'insérer dans ses lettres. Dans une lettre à d'Argens, sans date, Frédéric dit : « Quand je suis assez heureux que d'accrocher quelque passage latin, je compare aussitôt mes lettres à celles d'Algarotti, et je m'en impose à moi-même. » Le marquis d'Argens, de son côté, dit dans sa lettre à Frédéric, du 9 mars 1763 : « Non sunt miscenda sacra profanis. Votre Majesté voit que je sais, ainsi qu'Algarotti, citer du latin dans mes lettres. »
b Virgile, Énéide, liv. VII, v. 374-377.