<113>suffit pas de se battre, et qu'il est plus difficile de réduire de méchantes femmes que des hommes vaillants. Je désire autant la paix que mes ennemis ont de l'éloignement pour elle, et, si nous faisons des efforts, il faut l'attribuer à la nécessité :
Saeva necessitas industriam parit.Vous pourrez vous amuser encore cette année-ci par les gazettes, non de ce qui se passe sur la montagne de l'Apalachec et de la querelle des merluches,c mais de ce qui décidera de la liberté ou de l'esclavage de l'Europe, qu'un nouveau triumvirat veut subjuguer. Si j'en avais le choix, j'aimerais mieux me trouver dans le parterre que de représenter sur le théâtre; mais, puisque le sort en est jeté, il en faut tenter l'aventure.
Sed nil dulcius est, bene quam munita tenere
Edita doctrina sapientum templa serena,
Despicere unde queas alios passimque videre
Errare atque viam palantis quaerere vitae.a
Federic.
115. DU COMTE ALGAROTTI.
Bologne, 10 février 1758.
Sire,
Je laisse juger à Votre Majesté combien je dois me sentir honoré des réponses qu'elle a bien voulu faire à mes lettres, dans un temps où elle roule dans son esprit la destinée de l'Europe. Ce serait grand dommage, Sire, que V. M. ne fût que le sage contemplatif de Lucrèce, et qu'elle fût assise au parterre. V. M. joue trop bien pour n'être pas acteur. J'ai vu dernièrement passer par ici les troupes de Toscane qui marchent en trois colonnes contre
c Les mots Apalache et merluches font allusion aux causes de la guerre que les Anglais et les Français se faisaient alors en Amérique. Voyez t. VI, p. 10.
a Lucrèce, De la nature des choses, liv. II, v. 7-10. Voyez t. XI, p. 53.