<12>Mais il faut à cette éloquence des Cicérons, des Voltaires ou des Algarotti; sans quoi elle ressemblerait à un squelette privé de chairs et de ces parties du corps humain qui l'embellissent et lui donnent la vie.

J'attends tous vos ouvrages avec beaucoup de curiosité et d'impatience. Encore un coup de plume, et je vous enverrai le Machiavel, qui est d'ailleurs tout achevé. Pour vous amuser en attendant, j'ajoute à cette lettre deux Épîtres sur l'usage de la fortunea et sur la constance dans les difficultés de la vie et dans l'adversité,b avec un conte auquel un médecin a donné lieu.c Vous trouverez ces amusements assez frivoles, vous qui êtes dans un pays où l'on ne gagne que des batailles, et où l'on ne frappe que de ces grands coups qui décident de la fortune des empires et du sort des nations. Je voudrais, pour ma satisfaction, que vos libraires fussent aussi diligents que vos généraux. Pine me fait extrêmement languir. J'ai la Henriade prête, et je n'attends que cette feuille éternelle de Virgile, qui paraît être collée pour jamais dans son imprimerie. Il me semble au moins qu'on devrait quelque préférence à Voltaire, car

Virgile, lui cédant la place
Qu'il obtint jadis au Parnasse,
Lui devait bien le même honneur
Chez maître Pine l'imprimeur.

J'attends de vos nouvelles, et je me flatte que vous voudrez bien avoir soin de tout ce qui regarde ces impressions, auxquelles je m'intéresse beaucoup. Adieu, mon cher Algarotti; vous pouvez être persuadé de toute mon estime.

Federic.


a Voyez t. XIV, p. 88-93.

b L. c., p. 43-49.

c L. c., p. 178-180.