<126>le plan de la campagne, nonobstant le départ des Russes; avoir mis le siége devant cette importante place; avoir voulu à discrétion le corps d'armée qui la défendait, et l'avoir eu, et cela, en présence d'un ennemi fort et nombreux qui en avait tenté le secours, c'est l'effet d'un calcul militaire le plus juste et le plus profond. J'en félicite V. M. du bord occidental de la Toscane; ad mare descendit vates tuus.a L'état faible de ma santé et une toux très-opiniâtre m'ont forcé d'abandonner le climat froid et inconstant d'au delà l'Apennin pour chercher l'air doux et tempéré de ce côté-ci. On ne connaît presque point ici le souffle du nord, les hivers sont des printemps, et on y voit croître en plein air l'arbore vittoriosa e trionfale dont V. M. s'est couronnée tant de fois.
134. AU COMTE ALGAROTTI.
Leipzig, 9 décembre 1762.
J'ai reçu avec plaisir la lettre que vous m'avez écrite, et ce que vous m'y dites de votre santé affaiblie me fait de la peine. J'espère que l'air doux que vous respirez la rétablira entièrement. Le climat où nous sommes ne ressemble point au vôtre. Mais nous ne sommes pas si délicats; les fatigues qui renaissent sans cesse endurcissent. Mais, si j'avais le choix, j'avoue que je préférerais d'être le spectateur de ces scènes dont je suis acteur bien malgré moi. Tranquille dans ce beau pays que vous habitez, et dans le sein de la paix qui a toujours été l'objet de mes vœux, jouissez de votre bonheur et du repos, et n'allez pas sous ces arbres triomphaux rassembler un concile pour nous excommunier. Priez-y plutôt pour que l'on se joigne à mes vœux, et que l'on fasse cesser les calamités qui affligent l'humanité depuis si longtemps. Sur ce, je prie Dieu qu'il vous ait en sa sainte et digne garde.
a Horace, Épîtres, liv. I, ép. 7, v. 11.