<212>l'homme au fanatisme, et le propre d'une sujétion dure est de révolter le cœur contre l'oppresseur de la liberté. Aussi n'est-il pas ordinaire que les superstitieux changent l'objet de leur adoration, au lieu qu'on voit que les nations opprimées détrônent ou conspirent contre leurs tyrans. La raison en est que la superstition est volontaire, et que tout esclavage est forcé. Le seul point de réunion qui se rencontre en ce parallèle, c'est le principe, c'est la peur des châtiments, qui est commune à l'esclave et au superstitieux. Ah! ma chère duchesse, que vous allez vous moquer de moi! Vous me parlez d'une nouvelle brochure, et ma lettre vous fait presque un livre sur le même sujet. Mais vous êtes si bonne! Je deviens votre enfant gâté, et moi, étourdi de cinquante et un ans, je m'échappe, je fais des étourderies, et j'abuse de votre indulgence extrême. Punissez-moi, et prescrivez les bornes que vous jugerez convenables à mes indiscrétions. Ce sera une obligation de plus que je vous aurai d'avoir été réformé et corrigé par ma chère duchesse.

J'ai ici deux neveuxa auxquels je serais bien aise de faire faire connaissance avec mes respectables amis. Si vous ne le désapprouvez pas, ils passeront de leur cousine de Weimar, qu'ils iront voir, chez vous. Puissent-ils profiter de votre exemple et de tout ce qui vous met, madame, dans mon esprit, à cent piques au-dessus de toutes les impératrices de l'univers!

Daignez me conserver ces sentiments de bonté dont je suis si jaloux, en vous assurant, madame, que je ne perdrai aucune occasion en ma vie pour vous prouver la haute estime et la tendre amitié avec laquelle je suis,



Madame ma cousine,

de Votre Altesse
le fidèle cousin, ami et serviteur,
Federic.


a Le Prince de Prusse et son frère, le prince Henri. Voyez t. VII, p. 46 et 47.