51. A LA MÊME.
Sans-Souci, 7 août 1763.
Madame ma cousine,
En vérité, M. Grimm, vous êtes un homme admirable; vous me faites le plus grand plaisir du monde, par vos rapsodies, de me procurer des lettres de ma chère duchesse, et, quoique je me soucie fort peu des finances du Roi Très-Chrétien, ni de toutes les sottises qui passent par la tête du peuple français, je reçois vos gazettes avec une satisfaction singulière. Ne vous en enorgueillissez pas, M. Grimm; c'est pour l'amour de l'enveloppe qui me les fait tenir. Voilà, madame, ce que je n'aurais pas eu le cœur de vous dire, mais ce que cependant je ne puis en aucune façon supprimer, parce que cela est très-vrai. Une demoiselle de Wangenheim, qui est attachée à ma sœur de Schwedt, et qui, avec toutes mes nièces et mes arrière-neveux, a été ici, peut m'en servir de témoin. On a bu, ma chère duchesse, à votre santé avec ce zèle que vous inspirez à vos dévots, et nous avons dit ce que je n'ose répéter par respect pour votre modestie. M. d'Alembert vous a admirée sur notre rapport, et se trouve malheureux de n'avoir pu vous rendre ses devoirs jusqu'à présent. Il est digne, madame, d'être ajouté au troupeau de ceux qui ne jurent que par vous, et qui vous rendent un culte en esprit. Il se prépare à faire le voyage d'Italie, pays le plus digne d'attirer la curiosité d'un homme de lettres et d'un philosophe. S'il baise l'ergot du pape, ce ne sera pas par superstition. Le saint-père, quoique infaillible, pourrait se tromper, s'il le prenait sur ce ton; un philosophe se prête aux usages des pays où il se trouve, sans les approuver et sans les critiquer ouvertement. Je ne sais ce qu'il pensera de ce pays.
Nous n'avons depuis huit jours que des pluies et des orages. Je souhaite, ma chère duchesse, qu'il fasse plus beau à Gotha, que votre santé soit bonne, que vous soyez heureuse, que vous daigniez quelquefois vous souvenir du plus fidèle de vos adora-