<236>cette fois bien aise, puisqu'elles m'en procurent une de votre part. Ce baron de Zuckmantel qui va à Dresde est de ce qu'on appelle hommes à bonnes fortunes. Il a été sur ce pied à Paris; il a été ensuite envoyé à Mannheim, où il a trouvé une approbation singulière. Il a servi, cette guerre, et a été de la garnison de Cassel qui a rendu la ville aux alliés sur la fin de 1762. S'il apporte à Dresde de grosses pensions françaises, cela le fera bien recevoir; mais autrement je doute qu'il jouisse de la même faveur dont il a été comblé à Mannheim.
Mais, madame, je m'égare; je ne sais comment, au lieu de vous écrire, je fais la vie de M. Zuckmantel, qui, au demeurant, m'est tout à fait indifférent. J'ai été trop heureux, madame, de trouver des gens formés par votre main. Je les préférerai à tous autres; ils conservent l'empreinte que vous leur avez donnée, et ils sont marqués au coin de la vigilance et de la fidélité. Vous oublier, madame, n'est pas une chose aussi facile que vous le pensez. J'en atteste M. d'Edelsheim et tous ceux qui m'entourent, que votre nom respectable préside dans tous nos discours. Et comment n'y serait-il pas? Quand on veut citer une princesse qui fait honneur à l'Allemagne, on nomme la duchesse de Gotha; quand on me parle du mariage de mon neveu avec une princesse d'Angleterre,a je dis : C'est la nièce de ma chère duchesse; quand on me parle de mes amis, je cite la duchesse de Gotha; faut-il parler de la cour la mieux réglée d'Allemagne, on nomme la vôtre; s'il est question de dames qui possèdent les plus belles connaissances avec la plus grande modestie, qui nommera-t-on? je vous le donne à deviner. Enfin, madame, j'en dirais encore davantage, si j'écrivais à une autre qu'à vous. Pardon, si j'en ai trop dit. La bonne madame Neuensteinb me l'obtiendra; car elle sait que, quand on parle de la Duchesse, on ne saurait s'arrêter, et que la parole abonde de quoi le cœur est plein.
Jusqu'ici, l'Europe a eu le diable au corps, et l'on s'est égorgé du couchant à l'aurore. A présent, une autre folie a succédé : on fait des couronnements à droite et à gauche. Pour moi, après
a Charles-Guillaume-Ferdinand, prince héréditaire de Brunswic-Wolfenbüttel, épousa, le 16 janvier 1764, la princesse Auguste, sœur de George III.
b Voyez ci-dessus, p. 253.