<29>a produit de rare et d'utile dans cette ville. Je ne sais pas trop ce que l'on dit de moi en France, mais tant sais-je bien que ma réputation ne fleure pas baume à Vienne. On fait des prières publiques contre moi, et peu s'en faut que ceux qui consultent fort l'Apocalypse ne me débitent pour l'Antechrist.
Vous pouvez venir en toute sûreté de Berlin à Breslau, et de là vous ne viendrez au camp qu'à bonnes enseignes. Ne craignez point le sort de Maupertuis. Il se l'est attiré en quelque façon, et je vous réponds corps pour corps de votre sûreté.
Adieu, cher cygne de Padoue. Dès que je vous saurai arrivé, vous aurez de mes nouvelles, et cela, amplement. Ne doutez point de l'estime que j'ai pour vous.
22. DU COMTE ALGAROTTI.
Dresde, 29 janvier 1742.
Sire,
Votre Majesté, fût-elle aux trousses des Autrichiens, voudra bien me permettre de la féliciter sur l'empereur qu'elle a fait élire, et dont elle va conserver les États. Les Césars donnaient tantôt un roi aux Daces, et tantôt aux Parthes; V. M. donne un empereur à la plus puissante partie de l'Europe. Voilà encore une bataille que V. M. a fait perdre à la reine de Hongrie à Francfort, bataille après laquelle il faut bien qu'elle songe sérieusement à la paix. Ce ne sera pas cette Paix que nous peignent les poëtes, déesse aimable, mère des arts et de l'abondance, et suivie des plaisirs; mais un squelette de divinité mutilé en grande partie et tout estropié, enfant de la dure Nécessité. Ils voient maintenant à Vienne, Sire, la prophétie de V. M. accomplie dans toute sa plénitude; et il n'a fallu pour cela ni des siècles, ni les semaines de Daniel. Cet homme,a Sire, dont V. M. a battu le prince par des manœuvres d'esprit si élégantes et si fines, a dit une chose, d'ail-
a Machiavel.