<32>et les alliés, elle trouve sous sa main les comparaisons et les traits que Chapelleb et Chaulieu ne trouvaient que dans le sein du Templea et dans le repos de Paris! La paille hachée et le foin deviennent entre les mains de V. M. du myrte et des roses, en attendant qu'ils se changent en lauriers. Les Grâces, mêlées avec les grenadiers, suivent Anacréon, qui marche sur les traces de César. V. M. a donné peut-être bataille à l'heure qu'il est, et a remporté une seconde victoire dans sa première année militaire. C'est bien, Sire, le plus brillant rôle que prince ait jamais joué, que celui que V. M. joue à présent. Maîtresse des destins, dont elle tient le livre entre ses mains, elle va en faire chanter une page aux Autrichiens sur la basse continue du canon. Rien de plus glorieux pour V. M. que de finir à la tête de ses alliés une guerre qu'elle a commencée sans en vouloir aucun, et de redonner la paix à cette Europe qu'elle a mise en feu. Puisse cette paix aimable venir bientôt mêler son olivier aux lauriers dont V. M. est couronnée! et puisse Berlin, après avoir été aussi longtemps la Sparte de l'Europe, en devenir l'Athènes! Que les beaux-arts, maintenant arrêtés peut-être en quelque méchant cabaret sur la route, arrivent enfin à sa résidence, et que mes inscriptions pour les trois bâtiments qui ne sont encore que sur les tablettes de leur Apollodore soient bientôt gravées dans le bronze! Mais surtout qu'Apollon lui-même, après avoir quitté ses flèches, ministres de la mort, reprenne sa lyre, organe du plaisir, et nous redonne de ces chansons qui seront aussi immortelles que ses campagnes; il m'était tombé dans l'esprit de dire : de ces chansons qui seront aussi immortelles que ses blessures sont mortelles. Mais n'est-ce pas, Sire, que le jeu de mots aurait été fade? n'est-ce pas, prince aimable à qui l'on peut proposer un problème d'esprit à la tranchée, et qui peut faire une épigramme sur les hussards auxquels il donne la chasse? Ces chansons immortelles m'attireront toujours à Berlin, soit du brasier de l'équateur, soit de la glacière de l'Islande, et Frédéric sera toujours pour moi ce que Lalagé était
b Voyez t. XIV, p. XIII, no XXXV.
a On surnommait Chaulieu (voyez t. XVII, p. 36, 42 et 201) l'Anacréon du Temple, parce qu'il possédait dans ce quartier une maison que le duc de Vendôme lui avait donnée.