<46>je le trouve très-bien pour son état. Je ne sais si c'est que l'on se flatte de ce que l'on désire; toutefois j'espère bien de lui.
Les Français ont eu un petit avantage sur le prince Lobkowitz; ils ont envoyé, à ce sujet, plus de courriers aux cours étrangères qu'ils n'ont tué de soldats à l'ennemi. Ce sont les premiers lauriers qu'ils cueillent cette campagne, d'autant plus précieux, qu'ils osaient à peine y aspirer.
Vous voilà dans les sentiments que je vous ai toujours désirés, j'entends, dévoué aux lettres. Soyez sûr que vous avez choisi non seulement le bon parti, mais l'unique à prendre. C'est, je crois, de tous les genres de vie le plus heureux que celui de l'étude, puisque l'on apprend à se suffire à soi-même, et que des livres, de l'encre et des réflexions ne font jamais faux bond, dans quelque état que l'on se trouve. Dès que la guerre sera terminée, vous me verrez philosophe et plus attaché à l'étude que jamais.
J'ai bien parcouru la carte de l'Allemagne, et je l'ai examinée toute la matinée. Ce qui m'a fait grand plaisir dans cette étude, c'est que je crois avoir trouvé que le plus court chemin de Dresde en Italie passe par Czaslau. Je vous invite donc de passer par mon camp et de vous y reposer quelques jours, afin que je puisse jouir pendant ce temps-là des grâces de votre esprit et des traits diserts qu'aiguise votre pénétration et votre langue.
Vous connaissez toute l'étendue de l'amitié que j'ai pour vous; c'est pourquoi je n'en répète rien. Vale.
33. DU COMTE ALGAROTTI.
Dresde, 23 juin 1742.
Sire,
Je félicite les beaux-arts, la musique et la philosophie de ce qu'elles vont à la fin posséder V. M. Elles regagneront aisément le temps perdu, si V. M. se prend pendant la paix comme elle a fait à la guerre. Apollon, Minerve et V. M. vont être logés dans toute la magnificence de l'ancienne Rome. La curiosité de V. M.