<57>de mon esprit, c'est le retour de cette grâce sans laquelle tous mes projets seraient vains, et toute la douceur que je pourrais espérer dans la vie ne deviendrait que chagrin et amertume. Hélas! Sire, que je puisse encore me flatter que V. M. redeviendra pour moi ce prince aimable dans le visage de qui je lisais mon bonheur, qui me permettait de l'approcher à toute heure, et qui faisait les délices aussi bien que l'honneur de ma vie. Comment, Sire, aurais-je pu penser à l'offenser? Assurément, Sire, si V. M. pouvait me pardonner une pensée aussi peu pardonnable que celle-ci, je ne me la pardonnerais jamais à moi-même. Si j'ai erré en quelque chose, je suis plus à plaindre qu'à condamner, et j'espère que V. M. daignera se rappeler que
Errer est d'un mortel, pardonner est divin.aJe suis avec le plus profond respect, etc.
41. AU COMTE ALGAROTTI.
Potsdam, 18 mars 1747.
J'ai été bien aise d'apprendre que vous êtes arrivé à Berlin, et je serai plus réjoui encore lorsque je vous verrai ici. Votre brillante imagination, votre génie et vos talents sont des passe-ports qui vous feront bien recevoir dans tous les pays qui ne seront pas barbares. Depuis six ans que vous avez fait le plongeon pour moi, je n'ai appris de vos nouvelles que par la cinquième ou sixième main; mais je n'en suis pas moins charmé de vous voir revenu sur l'eau. Ferez-vous encore souvent le plongeon? irez-vous à Dresde, à Venise, à Vienne, ou à Rome? êtes-vous conseiller de guerre du roi de Pologne, ou son ambassadeur nommé auprès de votre patrie? En un mot, jusqu'où peuvent aller les
a Ce vers est le 215e du IIIe chant de l'Essai sur la critique, poëme de Pope, traduit de l'anglais par l'abbé Du Resnel. Voyez les Œuvres de Voltaire, édit. Beuchot, t. IV, p. 147.