<61>Sire, que l'intérêt que V. M. daigne prendre à mon état m'imposait le devoir d'entrer dans ce détail. Au cas, Sire, que mon heure soit venue, je serai trop heureux, si j'emporte quelque regret de V. M.
46. AU COMTE ALGAROTTI.
Potsdam, 1er septembre 1749.
Je connais si bien les maux dont vous vous plaignez, j'en ai été incommodé si longtemps, que c'est moins moi que l'expérience qui vous parle par ma bouche. Ce n'est point une maladie dangereuse. Le principe en est un sang âcre et épaissi qui, circulant mal, s'arrête dans les petites veines du bas-ventre, où, comme vous le savez, la circulation est naturellement plus lente que dans les autres parties du corps. Cette arrêtation cause des constrictions dans les boyaux, qui, au lieu de faire leur mouvement vermiculaire, se resserrent en différentes parties, arrêtent les vents, pressent et soulèvent le diaphragme, et causent les anxiétés dont vous vous plaignez. Les eaux de Selters ne sont pas suffisantes pour y apporter un remède suffisant. Il faudra que vous en veniez aux eaux d'Éger, auxquelles je crois devoir la principale obligation de mon rétablissement. Vos médecins vous auront conseillé sans doute de vous garder de tous les mets qui gonflent, comme des légumes, des fruits, etc. Il faut peu manger le soir, tenir bonne diète, boire un peu d'eau, la nuit, quand les anxiétés vous prennent, avoir beaucoup de patience, vous dissiper l'esprit, et vous garder de toutes les choses qui échauffent. Votre principale attention doit être de vous conserver le ventre libre, et de vous égayer par tout ce qui peut vous distraire de votre mal. Je ne vous dis pas un mot que je n'aie pratiqué, et dont je ne me sois bien trouvé moi-même. Vous avez cru que c'était encore beaucoup de vous servir d'un médecin, et sûrement vous n'imaginiez pas que je me mettrais de la partie. Mon cher Algarotti, je vous plains véritablement : n'est-ce pas assez d'être ma-