<71>chimistes que du vin d'Aï, qui fait circuler le sang plus rapidement, et porte la joie au cerveau.

Je serai bien aise de vous voir ici. J'aime mieux l'auteur que l'ouvrage. Vos couches seront différées de quelques jours; mais le livre parviendra toujours à terme, et le plaisir de vous entendre est plus vif que celui de vous lire. Adieu; j'espère que vous porterez votre réponse verbaliter.

56. DU COMTE ALGAROTTI.

Berlin, 24 novembre 1749.



Sire,

Je prends la liberté d'envoyer à Sans-Souci des graines de brocoli qui me sont arrivées d'Italie. Je souhaite, Sire, que, pour l'honneur de mon pays et pour le plaisir de V. M., elles viennent à bien. Mon livre est venu, de son côté, tant bien que mal; j'en suis presque à la fin, à force de corriger tous les jours des épreuves et d'aller à la chasse des points et des virgules, chasse bien ennuyeuse après avoir tué des cerfs et des sangliers. Je suis bien aise, Sire, d'être dehors de cette galère de la littérature, à présent que le temps des plaisirs va commencer. Tout répète, tout se prépare à célébrer les fêtes de Bacchus. La paix se montre aux sujets de V. M. tout aussi gaie et magnifique que la guerre a été redoutable à ses ennemis. Mais V. M., qui, tandis même qu'elle avait les armes à la main, maniait la plume pour faire des dessins dans le goût des plus grands maîtres, et des vers dignes de Voltaire, que fait-elle maintenant, si j'ose le lui demander? Quelque nouvelle Épître, telle qu'Horace l'aurait faite, s'il avait écrit en français, quelque nouvelle comédie, peut-être, que Molière aurait voulu avoir imaginée, s'il avait été à Berlin, seront le fruit de ses heures de loisir. Il y a bien longtemps, Sire, que je n'ai assisté à ces lectures où le roi, le législateur, le conquérant, disparaissent pour faire place au poëte et au bel esprit,