47. DU COMTE ALGAROTTI.
Berlin, 2 septembre 1749.
Sire,
Bien loin qu'un mal ne vienne jamais sans l'autre, Votre Majesté m'a bien prouvé le contraire par la lettre dont elle daigne m'honorer. Je vois, Sire, que Jupiter n'a pas tant versé sur moi de ce tonneau qu'il a apparemment à sa gauche, qu'il n'ait encore voulu ouvrir celui qui est à sa droite. La consultation que V. M. veut bien m'envoyer, car Apollon est aussi médecin, est une émanation divine de ce tonneau bienfaisant, et sera probablement un baume à mes maux. Malgré l'abattement où je suis, la confiance qu'un malade doit avoir en son médecin ne me manque assurément pas, car je me fie presque autant à Federic signé au bas d'une consultation que je me fierais à Federic même à la tête de soixante mille hommes. J'ai déjà commencé, Sire, à suivre les prescriptions de V. M. Ma diète est très-sévère, et je me suis retranché absolument le souper. L'impression de mon livre m'est une dissipation agréable, à moins que la lenteur des imprimeurs ne dérange la sécrétion de ce suc si nécessaire à l'équilibre de l'économie animale. Je rends à V. M. les plus humbles grâces de la permission qu'elle m'accorde touchant M. de La Mettrie, et bien plus encore de ce que V. M. veut que j'achève ma guérison sous ses yeux mêmes. C'est une bien forte <63>raison pour hâter mon imprimeur, afin de pouvoir me rendre auprès de l'auguste médecin dont j'ai l'honneur d'être le malade.