78. DU COMTE ALGAROTTI.
Potsdam, 8 mai 1752.
Sire,
Voici une lettre du cardinal Quirini, et les médailles que vous avez bien voulu, Sire, lui permettre de présenter à V. M. Il est allumé de zèle pour notre église catholique, et un mot de V. M. serait une flamme céleste qui l'embraserait tout à fait. Je vois, Sire, le dehors de notre église achevé de sa façon, pourvu qu'on grave dans la frise de l'entablement de la façade : A. M. C. Quirinus inchoatum perfecit,96-a ou quelque pareille quittance pour son argent.
Mon admiration et ma reconnaissance, Sire, augmentent à proportion que je relis l'ouvrage immortel96-b dont V. M. a daigné me faire part. C'est bien V. M. qui pouvait prendre pour devise :
Omne tulit punctum qui miscuit utile dulci.96-cC'est Minerve qui chante sur la lyre d'Apollon; ce sont les leçons de la plus profonde philosophie, emmiellées par les charmes des plus beaux vers. Quantité de ces beaux vers seront retenus sans doute par ceux qui ont le bonheur de les lire; mais ne leur sera-t-il pas permis de les redire aux autres? ne leur serait-il pas permis de citer ce qui mérite tant de l'être? Je demande cette grâce à V. M., quelques gouttes de ce baume précieux pour faire durer mes faibles écrits.
96-a Le fronton de l'église catholique de Berlin porte trois inscriptions : au milieu, Hedwigi; à droite de ce nom, Federici Regis Clementiae Monumentum; et à gauche, A. M. Quirinus S. R. E. Card. Suo Aere Perfecit.
96-b Algarotti veut parler de l'édition de luxe des Œuvres du Philosophe de Sans-Souci, 1752. Voyez t. X, p. 1 et 11.
96-c Horace, Art poétique, v. 343.