13. A MADAME DE CAMAS.
Ce 27 janvier 1762.
Je me réjouis, ma bonne maman, de ce que vous avez si bon courage, et je vous exhorte fort d'en redoubler encore. Tout finit; ainsi il faut espérer que cette maudite guerre ne sera pas la seule chose éternelle dans ce monde. Depuis que la mort a troussé une certaine catin des pays hyperboréens,168-a notre situation a avantageusement changé, et devient beaucoup plus supportable qu'elle <147>n'était. Il faut espérer que quelques bons événements arriveront encore, dont on pourra profiter pour arriver à une bonne paix.
Vous me parlez de Berlin. Je souhaite beaucoup de vous y savoir tous ensemble. Mais je voudrais, si vous y alliez, que ce ne soit pas comme des oiseaux perchés sur une branche, et que vous y puissiez rester avec la dignité convenable. Cela fait que j'attends le moment où je croirai cette sûreté établie sur de bons fondements, pour vous écrire d'y retourner. Si tout ceci finit bien et honnêtement, que je bénirai le ciel de vous revoir, ma bonne maman, et de vous embrasser! Oui, je dis embrasser, car vous n'avez plus d'autre amant dans le monde que moi, vous ne pouvez plus me donner de la jalousie, et je suis en droit d'exiger un baiser pour prix de ma constance et de l'attachement que j'ai pour vous. Vous pouvez vous y préparer. Finette en dira ce qu'elle voudra; elle en pourra sécher de dépit, car, depuis son défunt duc, elle n'a plus de baiseur.
Adieu, ma bonne maman. Pardon des pauvretés que je vous écris; c'est que je suis seul, que j'oublie quelquefois mes embarras, que je vous aime, et que je profite du plaisir de m'entretenir avec vous.
Federic.
168-a Voyez t. V, p. 174, et t. XIV, p. 199.