71. A LA MÊME.
(Potsdam) 15 mai 1767.
Madame ma cousine,
Plein de l'agréable souvenir du séjour que j'ai fait à Gotha, surtout de la chère duchesse que j'ai eu le bonheur d'y voir, il m'est passé tout plein d'idées par l'esprit, dans des moments creux, sur quelque alliance de famille qui resserrât entre nous, par les liens du sang, ceux de l'amitié. Je ne vous ferai point, madame, un plus long préambule; je vous dirai tout naturellement ce qui m'est passé par la tête, et vous aurez la bonté de me répondre tout uniment de même, parce que des idées ne sont que des idées, et que je puis me tromper sur ce qui vous convient ou ne vous accommode pas. J'ai réfléchi que l'aîné des princes vos fils était dans un âge où vous penseriez à le marier.292-a J'ai repassé dans mon esprit les princesses qui étaient à peu près de son âge, et il m'a paru que ma nièce, la princesse Auguste de Brunswic,292-b pourrait lui convenir. Je n'en ai parlé à personne, et, si cela se pouvait, ma plume, madame, ne vous le dirait qu'à l'oreille. Peut-être avez-vous d'autres vues; peut-être avez-vous pris des engagements ailleurs, que j'ignore. Au moins ne me sachez pas mauvais gré de ma franchise, et, si vous la taxez d'indiscrétion, ce sera la première et la dernière dont je serai coupable envers vous. Je crois entendre madame de Buchwald qui dit : Le roi de Prusse radote, il se fait maquereau sur ses vieux jours. Elle a raison, nous ne faisons ici que noces et baptêmes. Mais, madame de Buchwald, souvenez-vous au moins que, ayant été malheureusement souvent témoin de la boucherie de l'espèce humaine, je suis plus obligé qu'un autre à contribuer à la repopulation.
J'espère, ma chère duchesse, que vous prendrez ceci en bonne part, que vous ne vous fâcherez point contre votre ancien adora<256>teur, qui ne cesse de l'être, et que vous voudrez bien croire que tout ce que je vous écris part d'un cœur pénétré de la plus grande estime pour votre personne. C'est avec ces sentiments que je suis,
Madame ma cousine,
de Votre Altesse
le bon et fidèle cousin,
Federic.
292-a Ernest-Louis, prince héréditaire de Saxe-Gotha, né le 30 janvier 1745, épousa, le 21 mars 1769, la princesse Marie-Charlotte-Amélie de Saxe-Meiningen.
292-b Cette princesse, depuis abbesse de Gandersheim, était née le 2 octobre 1749.