<145>L'ouvrage n'est ni long ni ennuyeux, mais il vous fera rire. Dans ce siècle-ci, le seul moyen de faire de la peine à ses ennemis est de les accabler de ridicules; vous jugerez si j'y ai réussi. Adieu, mon cher marquis. Vos lettres sont pour moi une consolation pareille à celle que donnait à Élie l'apparition des corbeaux qui venaient le nourrir dans le désert,d ou ce qu'une source d'eau est pour un cerf qui brame de détresse,e ou ce que l'aspect d'Anchise fut pour Énée lorsqu'il l'aperçut aux enfers.f Ne me privez donc pas de ma seule joie durant mes longs déplaisirs, et soyez sûr de l'amitié que je conserverai toute ma vie pour vous. Adieu.
118. AU MÊME.a
(Freyberg) 30 mars 1760.
Grand merci, marquis, de mon drame.
Que Voss se hâte à publier;
Si l'oursomane me diffame,
Voss pourra me justifier.
Mais ces vers, que, tout le premier,
Moi, le père indigne, je blâme,
Feront bâiller et sommeiller
Le curieux qui les réclame,
Et qui regrettera dans l'âme
Le prix dont il faut les payer.
J'entends le public aboyer
Et, par une amère épigramme,
Venir pour me remercier
De la sueur et de la peine
Que ma disgracieuse veine
A prise afin de l'ennuyer.
d I Rois, chap. XVII, versets 5 et 6.
e Psaume XLII, verset 2.
f Virgile, Énéide, livre VI, v. 679 et suivants.
a Nous avons imprimé, t. XII, p. 157 et 158, une autre leçon des vers qui forment l'introduction de cette lettre.