<156>phéties dont l'accomplissement n'est pas fort éloigné, et je consens que V. M. dise que je suis capable d'exalter mon âme et de pouvoir être jamais mis dans le nombre non seulement des petits prophètes, mais même dans celui des faiseurs d'almanachs, si je n'annonce pas la vérité. J'ai l'honneur, etc.

124. AU MARQUIS D'ARGENS.

Avril 1760.

Je reconnais, marquis, votre indulgence au jugement que vous portez de mes Lettres; elles sont bonnes pour le temps qui court, et pareilles à tant d'ouvrages éphémères qui ne sont faits que pour le moment, et qui n'ont de durée que celle du jour de leur naissance. Il en sera des Poésies diverses ce qu'il plaira à l'imprimeur. Si jamais la paix se fait, je vous promets d'y penser plus sérieusement. J'ai lu la Maladie et la mort du père Berthier;a cela est fort plaisant, et les jésuites n'y sont pas mal drapés. Mais comparez cette pièce avec une certaine lettre au père Tournemine.b Que de contradictions dans les sentiments! L'une est le panégyrique de la société, l'autre en est la satire. Je souhaiterais aux grands écrivains une meilleure mémoire, pour qu'ils se souvinssent en tout temps de ce qu'ils ont déjà publié; mais les poëtes n'y prennent pas garde de si près, et le souffle léger des vents emporte leurs paroles et souvent leurs pensées.

La négociation de la paix est comme un feu qu'on allume,


a Le jésuite Berthier dirigeait le Journal de Trévoux, libelle périodique contre les philosophes. C'est pour cela que Voltaire publia en 1759 un écrit satirique intitulé : Relation de la maladie, de la confession, de la mort et de l'apparition du jésuite Berthier. L'auteur y fait mourir ce religieux le 12 octobre 1759, tandis qu'il ne mourut qu'en décembre 1782.

b Frédéric écrit à Voltaire, le 3 décembre 1736 : « J'ai lu la dissertation sur l'âme que vous adressez au père Tournemine. » ..... « Je ne connais le père Tournemine que par la façon indigne dont il a attaqué M. Beausobre sur son Histoire critique du manichéisme, etc. » - Voyez d'ailleurs t. XVI, p. 129.