<161>V. M. juge à propos de m'envoyer quelques plats et quelques assiettes, je les conserverai soigneusement; et, à la paix, il ne manquerait rien à mon bonheur, si je pouvais m'en servir pour lui offrir à Potsdam, dans une maison que je meublerais assez bien, un repas philosophique. Si V. M. daignait m'accorder cette faveur, je m'écrierais alors comme le grand prêtre Siméon : « Seigneur, tu peux maintenant disposer de ton serviteur en paix, puisque mes yeux ont vu mon Sauveur. »a J'ai l'honneur, etc.
127. AU MARQUIS D'ARGENS.a
(Meissen) 7 mai 1760.
De notre camp de porcelaine,
Au fidèle et bon citadin
Des antiques murs de Berlin
Salut et santé souveraine,
Paix et tranquillité prochaine.
Or dites-nous, mon cher marquis.
Que faites-vous, et la marquise.
Séquestrés dans votre taudis?
Tous deux vivants ensevelis,
Redoutez-vous toujours la bise
Et le perfide vent coulis
Qui perce rideaux, et méprise
Le mou duvet de vos habits?
Passez-vous les jours et les nuits.
Selon vos us et votre guise,
Sans sortir tous deux de vos lits?
Ou bien commentez-vous ensemble
Les sentences d'un auteur grec,
Ouvrage aride, ingrat et sec,
Devant lequel l'ignare tremble,
Et s'agenouille par respect?
Mais non, mon esprit imagine.
a Saint Luc, chap. II, v. 29 et 30.
a Voyez t. XII, p. 180-184.