<167>mais pour en orner mon logement de Potsdam. Je vous jure, et cela, dans la plus exacte vérité, que ma seule crainte, c'est le risque que vous courez personnellement par les dangers où vous vous exposez; cela me fait penser quelquefois à la Grèce. D'ailleurs, je suis très-tranquille sur les événements de la guerre, et je suis certain qu'elle finira heureusement pour vous et pour vos sujets, si vous avez le soin de conserver votre personne, sur laquelle est fondée la stabilité de l'État. Vous m'assurez, Sire, que les Français ne veulent point la paix, et moi, je consens de perdre tout ce que j'ai dans le monde, si, au premier échec qu'ils recevront, ils ne quittent pas leurs alliés. Ce n'est point un mal pour nous qu'ils entament cette campagne, parce qu'ils feront de nouvelles pertes considérables, et toutes les conquêtes des Anglais sont autant de gages qui nous répondent des pertes que nous pourrions faire.
Vous me dites que vous allez avoir dans trois semaines deux cent vingt mille hommes sur les bras, et que vous n'en avez que la moitié autant à leur opposer. Permettez-moi de répondre, Sire, que vous parlez dans cette occasion comme les gens qui affectent de passer pour beaucoup moins riches qu'ils ne le sont; tout le monde dit que vous avez cent cinquante mille hommes en campagne, et je le croirais assez volontiers. J'ai lu, Sire, dans M. de Turenne, dans le maréchal de Saxe, et, ce dont je fais encore plus de cas, j'ai ouï dire à V. M. qu'une armée de cinquante mille hommes suffisait pour tenir tête à une de quatre-vingts, dont on ne pouvait jamais employer qu'une partie un jour d'affaire, et qui devenait à charge pendant toute la campagne par la difficulté des subsistances. Toutes les gazettes assurent que le prince Ferdinand aura près de cent quinze mille hommes, et qu'il va détacher un corps considérable pour s'opposer à l'armée de l'Empire. Si cela est, comme il le paraît par toutes les nouvelles, vous voilà délivré d'un embarras qui jusqu'ici n'a pas laissé que de vous causer de la peine et bien des soins.
Après avoir songé, Sire, à l'événement dont vous me parlez dans vos lettres, j'ai vu que cela ne pouvait pas regarder l'Italie, et je ne doute pas qu'il ne s'agisse des Turcs. Ce serait une chose admirable s'ils allaient se déclarer; mais la conduite qu'ils