<178>revers, n'a point encore été trompée. J'ai eu l'occasion de lire ici quelques lettres écrites par des officiers de l'armée de V. M.; elles annoncent la meilleure volonté dans toutes les troupes, qu'elles dépeignent comme remplies de zèle pour la patrie et pour le souverain. Ces lettres m'ont paru du meilleur augure du monde pour le succès de la campagne; elles montrent véritablement quel est l'esprit de l'officier et du soldat, puisqu'elles sont écrites par des gens qui n'avaient aucune raison de déguiser ce qu'ils pensaient aux personnes à qui ils les adressaient. Je conviens, Sire, que vos ennemis ont une grande supériorité par leur nombre; mais vos talents militaires, la valeur de vos troupes, suppléeront au défaut d'égalité. Ce que vous appelez un miracle, je l'appelle un événement heureux, procuré par votre prudence et par votre courage; et cet événement arrivera tôt ou tard dans le cours de cette campagne, pourvu que vous ménagiez votre personne, et que vous réfléchissiez sans cesse combien elle est nécessaire au bien des affaires, qui ne peuvent à la fin manquer de prendre une face heureuse.
Je suis dans un étonnement dont je ne reviens pas, en voyant les nombreuses flottes anglaises rester tranquillement dans la Tamise; nous voilà bientôt au commencement de juillet, et elles sont encore dans l'inaction. Je suppose qu'il y a des négociations entre l'Angleterre et la France; la meilleure manière d'en presser la conclusion, c'est de faire agir cent vaisseaux de guerre contre des gens qui n'en ont pas quinze, et qui ont tout à craindre pour ce qui leur reste de leurs colonies. Les Français me paraissent comme certains esprits forts qui ne veulent pas se confesser pendant leur maladie, mais qui l'ont venir vingt prêtres lorsque le médecin leur annonce qu'elle est mortelle; la flotte anglaise agissant, c'est le médecin annonçant la mort, et les prêtres appelés, c'est la conclusion de la paix.
V. M. a bien raison de dire ma petite expérience sur les affaires de l'Europe; et quel est, je ne dis pas l'homme, mais le demi-dieu qui, voyant l'amitié et la liaison apparente de l'Espagne avec l'Angleterre, les prétentions et les droits de l'Espagne sur plusieurs États d'Italie, ne renonce à toute réflexion politique lorsqu'il voit cette même Espagne faire venir de Naples et de Sicile