<181>point assez d'amour-propre pour oser prétendre par quelques faibles ouvrages.

La faveur, Sire, que vous venez d'accorder à un philosophe aussi médiocre que je le suis sera aux yeux du public une réparation de l'injure que le fanatisme et la folie viennent de faire en France à la philosophie et aux grands hommes qui la cultivent. On les a joués publiquement sur le théâtre dans une comédie intitulée Les Philosophes.a En vain les honnêtes gens se sont élevés contre cet énorme abus; les ministres, les évêques, plusieurs magistrats ont appuyé les ennemis de la raison, et l'on a joué vingt-six fois de suite la comédie des Philosophes, dans une des scènes de laquelle Rousseau de Genève entre à quatre pieds sur le théâtre comme une bête, et vient soutenir son sentiment sur l'égalité des conditions.b On a vendu à Paris, dans huit jours, vingt mille exemplaires de cette pièce, dont un partisan de la philosophie a fait une critique fort ingénieuse, mais trop violente; elle paraît plutôt être écrite par la colère que par la modération qui fait le fond du caractère de la véritable philosophie. Je l'envoie à V. M.; elle pourra l'amuser un moment. J'ai l'honneur, etc.

138. AU MARQUIS D'ARGENS.

Gross-Döbritz. 2. juin 1760.a

Je reçois, mon cher marquis, votre lettre du 22 dans un temps où je ressens de nouveau, comme je l'avais prévu, les effets du malin acharnement de ma mauvaise fortune. Vous saurez sans doute à présent les malheurs qui me sont arrivés en Silésie,b et vous serez obligé de convenir que je n'ai été que trop vrai dans


a Comédie de Palissot, en trois actes et en vers.

b Les Philosophes. acte III, scène IX.

a Le 26 juin 1760. (Variante de la traduction allemande des Œuvres posthumes, édit. de 1789, t. X, p. 281.)

b Allusion à la malheureuse affaire de Landeshut, arrivée le 23 juin 1760. Voyez t. V, p. 52-55.