<190>quelle sera la fin de nos travaux? J'en reviens toujours à ce beau vers de Lucrèce :

Heureux qui, retiré dans le temple des sages, etc.c

Ayez pitié, mon cher marquis, d'un pauvre philosophe qui est étrangement dérangé de sa sphère, et aimez-moi toujours. Adieu.

145. DU MARQUIS D'ARGENS.

Berlin, 17 août 1760, à une heure après minuit.



Sire,

La joie que me cause la nouvelle de la victoire que Votre Majesté vient de remporter est si grande, que je lui écris au milieu de la nuit, dans le moment que j'en suis instruit. V. M. aura peut-être déjà reçu une de mes lettres, que j'eus l'honneur de lui écrire il y a trois jours, dans laquelle je lui marquais que la crainte où j'étais pour les dangers où vous vous exposiez me faisait souhaiter qu'il n'y eût point de bataille, quoique je fusse très-assuré que vous la gagneriez, s'il s'en donnait une. La vérité a justifié mon pressentiment, et je suis convaincu qu'elle prouvera dans la suite ce que j'ai tant de fois mandé à V. M. dans mes lettres, que vous viendrez à bout de surmonter tous vos ennemis. Mais, au nom de tous vos sujets et de tous vos fidèles serviteurs, je dis encore plus, Sire, au nom de cette gloire immortelle que vous vous êtes acquise, conservez votre personne, dans laquelle réside non seulement tout le bonheur de l'État, mais encore sa durée et sa stabilité. Je prie V. M. d'excuser le peu d'ordre qu'il y a dans ma lettre; mais je suis ivre de joie, et je puis protester à V. M. que mon âme est dans une situation à ne pouvoir joindre deux idées ensemble. Votre dernière lettre m'avait accablé d'une douleur mortelle; jugez de l'effet que la nouvelle de votre victoire a dû produire sur mon esprit.


c Voyez t. XI, p. 53, et t. XVIII, p. 128.