<204>sont passés depuis! Nous venons de battre les Autrichiens;a eux et nous avons perdu prodigieusement de monde. Cette victoire nous donnera peut-être quelque tranquillité durant l'hiver, et voilà tout. Ce sera à recommencer, l'année qui vient. J'ai eu un coup de feu qui m'a labouré le haut de la poitrine; mais ce n'est qu'une contusion, un peu de douleur sans danger, et cela ne m'empêchera point d'agir comme à mon ordinaire. Je suis occupé de bien des arrangements nécessaires. Enfin je finirai cette campagne le mieux qu'il me sera possible, et voilà tout ce qu'on peut prétendre de moi. Au reste, ma façon de penser est la même que je vous le marquai il y a huit jours. Adieu, cher marquis; ne m'oubliez pas, et soyez sûr de mon amitié.
154. AU MÊME.
Meissen, 10 novembre 1760.
Vous devez être instruit à présent de tout ce qui me touche, par une lettre que je vous ai écrite de Torgau. Vous saurez par là, mon cher marquis, que ma contusion ne s'est pas trouvée dangereuse; la balle avait perdu une partie de sa force en traversant une grosse pelisse et un habit de velours que j'avais, de sorte que le sternum s'est trouvé en état de résister à son impulsion; c'est de quoi, je vous assure, je me suis le moins soucié, n'ayant d'autre pensée que de vaincre ou de mourir. J'ai poussé les Autrichiens jusqu'aux portes de Dresde; ils y occupent leur camp de l'année dernière; tout mon savoir-faire est insuffisant pour les en déloger. On prétend que la ville est dépourvue de magasins. Si cela est vrai, il se pourra que la famine fera ce que l'épée ne pourrait faire. Si cependant ces gens s'opiniâtrent à rester dans leur position, je me verrai réduit à passer cet hiver, comme le précédent, en cantonnements excessivement resserrés, et toutes les troupes seront employées à former un cordon pour nous sou-
a A Torgau, le 3 novembre. Voyez t. V, p. 96-104.