<215>bonnes; les autres me paraissent ou fausses, ou bien faibles. J'ai l'honneur, etc.
163. AU MARQUIS D'ARGENS.
(Meissen, 25 ou 26) mars 1761.
Je suis charmé, mon cher marquis, de vous savoir arrivé à bon port à Berlin. C'est un grand voyage pour vous, et voilà votre campagne achevée. En vérité, je suis aussi impatient que vous d'apprendre la reddition de Cassel, et je commence à craindre que, malgré tous les avantages du prince Ferdinand, il ne fasse un pas de clerc qui le recule d'autant qu'il est avancé. Les Français sont muets comme des carpes; ils ne disent rien aux Anglais. Enfin nous touchons à l'ouverture de la campagne, et probablement elle se fera avec les mêmes désagréments et dangers que la précédente. Je vous avoue que cela me rend rêveur et mélancolique quand j'y pense. Je me dis souvent qu'on ne peut résister au torrent des événements qui nous entraîne, et à cette fatalité qui pousse les hommes comme les vents agitent les sables et les flots. Cette consolation n'est guère consolante, mais tout est dit. Je vous rends grâces de la description que vous me faites de Sans-Souci. Dieu sait si jamais j'y remettrai le pied. Cependant ce que vous m'avez dit m'a fait grand plaisir. Je pense à ce lieu comme les juifs à Jérusalem, ou comme Moïse à la terre sainte, où il voulut conduire le peuple d'Israël, et où il lui fut interdit d'entrer lui-même.
Que vous dirai-je, mon cher marquis, du roi de Portugal? N ... a fait du mal partout, et en fera, tant que les souverains ne seront pas, comme César, souverains pontifes chez eux. Ces gens abusent trop impunément du nom de la religion, qui devait être le plus grand frein du crime; ils s'arment du couteau sacré qu'ils prennent sur l'autel pour égorger les rois, et de la piété des faibles pour fonder ou étendre les vœux de leur cupidité et