<23>beaucoup de fermeté. J'ai bien des choses à dire là-dessus à V. M.

Je ne vous ai point encore parlé, Sire, dans mes lettres, ni de la comédie française, ni de l'italienne. La dernière se soutient assez bien; la Silviab est toujours la meilleure actrice du royaume, l'arlequin est un grand sujet, la Caroline joue avec plus de vivacité que de génie, mais elle est jolie, de Haye est un excellent valet, et Lelio est très-bon pour les petits-maîtres et certains rôles de caractère. Quant à la comédie française, je la trouve tombée affreusement. La Duménil, si vantée par M. de Voltaire, a une voix sépulcrale, et est outrée très-souvent; la Gaussin est jolie, mais elle n'a que certains rôles tendres, elle est dans les autres au-dessous du médiocre; la Carville a des entrailles, mais elle ne raisonne point assez ses rôles. Ces comédiennes sont toutes aussi éloignées de la Le Couvreur et de la de Seine que l'hysope est au-dessous du cèdre. Quant aux acteurs, Grandval joue médiocrement le tragique, et divinement bien les petits-maîtres amoureux; La Noue serait un grand comédien, si une figure affreuse ne gâtait tous les talents qu'il a. Tous les autres comédiens sont ou médiocres, ou mauvais.

J'ai dit à V. M., dans mes autres lettres, ce que je pensais de l'Opéra.

J'ai vu M. de Maurepas; il m'a fait beaucoup de politesses, et même quelques offres de service.

On attend ici le Roi vers le 10 ou le 12 du mois prochain; ainsi je n'irai à Versailles qu'à mon retour de Provence, le voyage que je pourrais y faire à présent me paraissant d'une très-petite utilité. Je dois dîner demain chez le duc d'Elbeuf, prince de la maison de Lorraine, avec Crébillon le père; je manderai par ma première lettre à V. M. des nouvelles de cet auteur et de sa tragédie de Catilina, qu'il doit y réciter. Je suis avec un profond respect, etc.


b Le marquis parle, dans ses Mémoires, de ses amours avec la belle Sylvie, qui lui firent quitter l'état militaire et la France pour aller épouser cette comédienne en Espagne. Arrêté. à la demande d'un ami de sa famille, avant d'avoir pu exécuter son projet, il fut ramené en Provence, et bientôt envoyé à Constantinople avec l'ambassadeur de France. Biographie universelle, article Marquis d'Argens.