<244>imaginer ce bizarre concordat; on voit même qu'il n'a pas le courage de justifier le grand Galilée. Bayle a étendu tous les arguments que Gassendi avait énoncés, et il me semble que ce premier l'emporte, en qualité de dialecticien, par sa dextérité à manier les matières, et par la justesse de son esprit à pousser les conséquences des principes plus loin qu'aucun philosophe les ait poussées avant et après lui. Je n'ai point vu cet ouvrage de Gassendi sur Des Cartes dont vous me parlez; je n'ai de ce philosophe que ce que Bernier en a traduit. Je conçois qu'on a un beau champ, s'il s'agit de réfuter les tourbillons, le plein, la matière rameuse et les idées innées. Puissent les projets de campagne de mes ennemis être aussi ridicules que le système de Des Cartes! puissé-je les réfuter aussi facilement à grands arguments, non in bar- bara, mais de facto! J'en reviens toujours à mes moutons, mon cher marquis, et je vous avoue que, malgré tous les bons raisonnements de Gassendi, ce Loudon, cet O'Donnell, et ces gens qui me persecutent, m'ont souvent causé des distractions dont je n'ai pas été maître. Ne m'oubliez point, mon cher marquis; écrivez-moi tant que les chemins seront libres, et soyez persuadé de toute l'amitié que j'ai pour vous. Adieu.

184. DU MARQUIS D'ARGENS.

Berlin, 19 juillet 1761.



Sire,

Voilà enfin l'invincible Broglie battu, et le chanceux Soubise malheureux pour la seconde fois.a Si cet événement ne produit rien sur les négociations entamées à Londres, toute ma pauvre politique est en déroute.

Si je ne savais pas, Sire, depuis vingt ans que j'ai l'honneur d'être à votre service, que vous êtes aussi tranquille au milieu


a Le prince Ferdinand battit ces deux maréchaux fiançais à Vellinghausen, le 16 juillet 1761. Voyez t. V, p. 161 et 162.