<253>je ne manquerai pas de vous écrire quand je croirai le pouvoir faire avec sûreté. Ne m'oubliez pas; adieu.
192. AU MÊME.
Bunzelwitz, 25 septembre 1761.
Voici une lettre du 29 août qui m'arrive, mon cher marquis, de votre part. C'est la première en cinq semaines. Nous avons été assiégés et bloqués par nos ennemis. Nos nouvelles se bornaient aux limites de notre camp. Cette situation a duré quinze jours, après quoi l'ennemi est décampé de nuit. Mais, comme les barbares tiraient vers Glogau, la correspondance n'en est pas devenue plus libre. J'ai profité de l'occasion qui se présentait pour faire enlever aux Russes tous les magasins qu'ils ont eus en Pologne. Cela a si bien réussi, qu'on leur a pris toutes les troupes qui la gardaient, canons, bagages, et une grande quantité de chariots. Buturlin a vu rompre ainsi tous ses projets, et, n'ayant plus de quoi vivre, il a été obligé de renoncer au dessein de piller la Marche, la Poméranie et Berlin, pour s'en aller à Thorn, y chercher à subsister. Voilà, mon cher marquis, tout ce que j'ai pu faire pour votre service. A présent il faut traîner les restes languissants de cette campagne pour la finir doucement. Les Français, croyez-moi, ne feront la paix que lorsqu'ils n'auront plus de ressources, et ils n'en sont pas là. Un grand royaume fournit toujours les frais d'une campagne. C'est une épargne maladroite que celle qu'ils font des jetons de l'Académie française. Cette lésine, qui est peu de chose, fera beaucoup murmurer, et paraîtra aux autres puissances une ressource faible et ridicule pour soutenir la guerre. Si cette nation fait des efforts excessifs pour pousser une guerre qui lui est en quelque sorte étrangère, que ferait-elle donc, si l'ennemi était aux portes de Paris? En vérité, mon cher marquis, plus je connais le monde, plus il me paraît méchant, imbécile et pervers. Je ne m'attendais pas à voir