<28>fasse faire à ce sujet une réflexion à V. M. Elle ne trouvera aujourd'hui que de très-mauvais comédiens; tout ce qu'il y a de bon est engagé dans les troupes jusqu'à Pâques. Je dirai plus à V. M. : c'est que je ne lui conseillerais pas de prendre ceux qui déserteraient, parce que, ayant fait une mauvaise action, ils seraient capables d'en faire une seconde et de quitter ainsi le service de V. M. Je crois donc qu'elle devrait prendre patience jusqu'à Pâques. La troupe passera l'hiver comme elle pourra, et je me charge, avec les acteurs qu'elle a, de faire représenter jusqu'à Pâques une bonne comédie par semaine. Que V. M. me permette de lui dire une chose. Nous faisons toujours de grandes recrues, mais elles ne sont guère bonnes. En vérité, Sire, depuis que je suis en France, et que j'ai vu la comédie de Paris et celle de Marseille, je suis encore plus convaincu que je ne l'étais que V. M. n'a que deux comédiens à qui le titre d'acteur convienne, Favier et la Cochois. Grand Dieu, que tout le reste paraîtrait mauvais à côté des sujets que je vous propose! Et quant aux filles dont Petit parle, cela fait des actrices si médiocres, qu'on n'en a pas voulu même dans les troupes ordinaires; elles chantent dans les chœurs du concert de Rouen. D'ailleurs, Sire, je crois qu'il nous faut des sujets faits et non point à faire, qui peut-être ne pourraient jamais être formés.

aIl y a une jeune personne qui n'est ni laide ni jolie, qui se propose d'être figurante, quoiqu'elle soit capable d'être première danseuse. Elle a des grâces infinies, elle est bien faite, a le pied et la jambe de la Cochois.b Elle pourrait, en cas de besoin, jouer quelques rôles jusqu'à Pâques, et elle servirait à faire aller la comédie jusqu'à l'arrivée de très-grands sujets. Comme vous ne m'avez donné, Sire, aucun ordre d'engager des danseuses, je n'ai point voulu lui faire aucun engagement. Cependant je compte de la mener à Berlin; si V. M. ne la trouve point à son gré, je la garderai pour moi. Elle joue du clavecin comme un ange, et il me faut en vérité aujourd'hui quelque jeune personne qui m'égaye et m'empêche de devenir hypocondre. Comme voici les


a Cet alinéa est tiré de la Prusse littéraire sous Frédéric II, par M. l'abbé Denina. A Berlin, 1790, t. I, p. 214 et 215.

b Voyez t. XI, p. 239.