<368>ma lettre à quiconque sait assez de français pour la lire. Nous raisonnerons, lorsque nous nous reverrons, de politique, de guerre, de balourdises, de bévues, et de toutes les sottises qui se sont faites en Europe, pendant deux ans, par cette espèce raisonnable, à deux pieds, sans plumes, et qui l'est si peu; nous disserterons de belles-lettres, nous vilipenderons les tondus, et nous philosopherons, car c'est ce qui nous convient le mieux, surtout à moi, qui me trouve si souvent dans le cas de mettre ma philosophie aux épreuves de tous les revers auxquels ma vie errante l'expose. Mais pourquoi purgez-vous toujours, mon cher marquis? Vos boyaux sont-ils relâchés? N'y a-t-il pas moyen de radouber votre corps et de lui donner une consistance de santé compatible avec votre âge? Vous mangez trop; philosophie à part, vous êtes un peu glouton. L'estomac accablé de nourriture perd à la longue la faculté de digérer. Puis vous vous médicamentez trop, et ne faites presque aucun exercice. Si j'osais me mêler de votre régime et le réformer, appuyé du crédit et des soins de la bonne Babet, je crois que je raffermirais dans peu votre santé. Mais cela surpasse vos forces; vous haïssez la gêne, et ces petites attentions que demande le régime, à la longue, vous deviendraient insupportables. Il ne me reste donc qu'à faire des vœux pour vous. Ils partent du cœur, et je vous assure que, s'ils pouvaient effectuer quelque chose, vous auriez une santé d'athlète et la force d'Hercule. Je vous la souhaite, en vous priant de ne me point oublier. Adieu, mon cher marquis.
277. AU MÊME.
Péterswaldau, 30 octobre 1762.
Voici un changement de décoration, mon cher marquis. Je pars pour la Saxe; je compte être le 8 de novembre à Meissen, et de me battre, s'il le faut, envers et contre tous ceux qui voudront m'empêcher de nous joindre. Je fais les trois quarts du chemin;