<370>le purgatoire, la justification, le célibat des prêtres et autres graves billevesées où la raison n'entend rien. Vous direz que je devrais plutôt m'appliquer à devenir bon général; j'en conviens, mais l'autre est plus aisé, et l'on met plutôt dans sa tête des formules de vaines disputes que la capacité, les soins et la vigilance continuelle qu'exige le commandement des armées. Je fais donc comme je puis, mon cher marquis, et, si je me vois ruiné et réduit à l'hôpital par la guerre, je pourrai encore gagner ma vie en me faisant sorboniqueur. Le vœu de continence ne coûte rien à mon âge; je suis prêt à radoter, et un théologien le peut en bonne conscience, car personne n'exige de lui le sens commun. Vous trouverez, en lisant ma lettre, qu'il ne m'en reste guère; mais j'ai l'esprit si inquiet et la tête si remplie, qu'il doit y paraître, quand même je voudrais le dissimuler. Adieu, mon cher marquis; ne purgez plus, portez-vous bien, et réjouissez-moi cet hiver par votre présence.
278. DU MARQUIS D'ARGENS.
Berlin, 31 octobre 1762.
Sire,
J'allais écrire à Votre Majesté pour la remercier des bontés qu'elle m'a fait l'honneur de me témoigner dans sa dernière lettre, lorsque j'apprends la victoire éclatante que le prince Henri, digne frère de Frédéric le Grand, vient de remporter sur vos ennemis.a Permettez-moi, Sire, de vous faire à ce sujet le plus sincère et le plus agréable compliment, auquel j'espère faire succéder bientôt celui que je vous écrirai sur la prise de Dresde. Sans être grand calculateur, je vois vingt mille Autrichiens de moins dans quinze jours, dix mille pris dans Schweidnitz, six mille dans la bataille que le prince Henri vient de gagner, et quatre mille tués ou blessés sur le champ de bataille. Je crois que vous serez pourtant
a A Freyberg, le 29 octobre 1762. Voyez t. V, p. 236-238.