<388>et je ne m'aperçus qu'ils étaient dans mon coffre que pendant mon voyage. Je les ai remis, à Francfort, au résident de V. M., qui s'est chargé de les lui faire parvenir dans la plus grande sûreté.
Je viens actuellement à ma route. La fatigue des mauvais chemins ayant apparemment ému et échauffé les mauvaises humeurs qu'une vie excessivement sédentaire m'avait fait amasser, je pris une espèce de dyssenterie qui allait jusqu'au sang. En arrivant à Göttingue, j'ai été obligé de rester neuf jours dans cette ville pour pouvoir être en état de continuer ma route. Je n'ai jamais été si content d'avoir écrit mes derniers ouvrages dans le goût de messieurs les us, car j'ai été soigné avec grand soin par les plus habiles professeurs de l'université, qui m'ont presque tous rendu leur visite et traité de la manière du monde la plus polie. Enfin, tant bien que mal, ils m'ont mis en état de continuer ma route. Après cela, moquez-vous du grec! Pour moi, je dirai toujours dorénavant : Vivent les Grecs et les professeurs! De Gottingue j'allai à Cassel, où j'arrivai si faible, que je n'eus aucune envie de voir le Landgrave, ni ses tableaux; je vins avec grand' peine à Francfort avec la fièvre, et menacé de reprendre la dyssenterie. Je voulus louer un appartement dans cette ville pour me reposer quelques jours; mais votre résident me dit que je manquerais au respect que je devais à V. M., parce que les magistrats obligeaient les bourgeois qui logeaient des Prussiens d'en demander la permission, ce qu'ils ne faisaient à aucune autre nation. Il ajouta qu'il fallait que je restasse au cabaret, ou que je partisse pour une autre ville. Je pris ma résolution, car ma demeure pendant neuf jours dans une auberge à Gottingue m'avait coûté cent cinquante écus, ayant avec moi sept personnes, en comptant trois domestiques. Enfin, Sire, je suis arrivé à Strasbourg moitié mort, et, depuis quatre jours que j'y suis, voici le premier où j'ai assez de force pour avoir l'honneur de vous écrire. Je compte rester ici encore une semaine pour me remettre un peu. Je n'ai plus que trente milles à faire en poste; après cela, je descends la Saône jusqu'à Lyon, et le Rhône de Lyon à Arles; me voilà à quatre milles d'Aix. J'ai bien pris la résolution, en retournant, de ne plus faire les cent milles