<408>de quoi suppléer à la perte de l'imagination et au dépérissement de l'esprit, et j'ai meublé ma mémoire de trente contes, pour dédommager mon âme de la pesanteur dont elle devient tous les jours et du peu de vivacité qui lui reste. Un autre que moi regretterait d'avoir perdu ce peu d'imagination dont la nature l'avait doué, et craindrait de paraître comme dépouillé de ce qui a pu le faire goûter dans le monde; mais je sais que V. M. ne fera point sécher un figuier parce qu'il ne porte plus que des feuilles dans une saison où il ne peut avoir des fruits. Voilà, Sire, ce qui me rassure. J'ai l'honneur, etc.
303. AU MARQUIS D'ARGENS.
Neisse, 27 (août 1766).
J'ai reçu votre lettre avec l'incluse de Voltaire. Je ne répondrai à l'apôtre de l'incrédulité qu'à mon arrivée à Breslau,a parce que j'ai ici un grand détail militaire. Il faut huit jours au marquis pour se reposer, après le grand voyage de Potsdam, avant de voir les rues de Berlin. Le comédien fera bien d'attendre mon retour. Je crains que Launayb ne se flatte trop avec ses accises; à vue de pays, je ne juge pas que la nouvelle administration fasse de grandes merveilles. A pronostiquer par ce qui se passe ici et que j'apprends, il n'y aura guère de marge. Je vous renvoie la lettre de Thieriot, qui est assez vide de choses. J'ai été ces jours fort incommodé des hémorroïdes; toutefois je vais comme je puis. Adieu.
a Voyez la lettre de Frédéric à Voltaire, du 1er septembre 1766.
b Voyez ci-dessus, p. 447.