<422>Une des inquiétudes, Sire, que j'ai eues pendant la maladie que j'ai faite en Provence, c'était que les lettres que V. M. m'a fait l'honneur de m'écrire ne lui fussent pas rendues bien exactement, si je fusse mort. J'en avais chargé madame d'Argens; malgré cela, avec toute la bonne volonté, peut-être n'eût-elle pu exécuter aussi ponctuellement ce que je lui avais dit que je l'eusse souhaité. Je deviens si caduc, Sire, et je vous le dis dans la plus grande vérité, que je n'irai pas encore bien loin. Pour éviter un pareil inconvénient, j'ai remis, dans sept grands paquets cachetés, à M. de Catt, pour les rendre en main propre à V. M., toutes ses lettres et ses autres papiers que j'avais, et qui, après ma mort, auraient pu s'égarer. J'ai l'honneur, etc.
315. AU MARQUIS D'ARGENS.
1768.
Ce n'est pas assurément l'auteur de la Philosophie du bon sensa qui m'a écrit aujourd'hui; c'est tout au plus celui des songes creux. Que vous est-il arrivé depuis avant-hier? Vous me demandez le congéb à brûle-pourpoint; je vous avoue que vous êtes inintelligible. Je vous ai traité avec toute l'amitié chez moi; j'ai été bien aise de vous avoir. Ce n'est point pour vous faire des reproches que je vous rappelle tout ceci, mais pour que vous fassiez réflexion à l'esclandre qu'une imagination provençale va vous faire faire à l'âge de soixante-quatre ans. Oui, je le confesse, les Français surpassent en folie tout ce que j'en ai cru. Autrefois, l'âge de trente ans leur ramenait la raison; à présent, il n'y a plus de terme pour eux. Enfin, monsieur le marquis, vous ferez tout ce qu'il vous plaira. Il ne faut plus vous compter
a Voyez t. XII, p. 98.
b Voyez la lettre de M. de Catt au Roi. du 26 septembre 1768, avec la réponse de la main de Frédéric écrite au bas.