40. AU MÊME.
Striegau, 26 décembre 1757.
Vous pouvez croire, mon cher marquis, que votre lettre m'a fait un grand plaisir par l'amitié que vous m'y témoignez et par l'envie que j'ai de vous revoir. Votre voyage peut se faire à votre commodité. J'ai choisi des chasseurs que j'ai envoyés à Berlin pour vous conduire. Vous pouvez faire de petites journées, la première à Francfort, la seconde à Crossen, la troisième à Grünberg, la quatrième à Glogau, la cinquième à Parchwitz, la sixième à Breslau. J'ai dit qu'on doit commander les chevaux, et que l'on devait chauffer les chambres sur la route, que l'on vous prépare de bonnes poules dans tous les chemins. Votre chambre dans la maison est tapissée et fermée hermétiquement; vous n'aurez aucune incommodité de vent coulis ni de bruit. La ville de Liegnitz vient de se rendre; ainsi vous serez aussi sûr en chemin et dans Breslau qu'à Berlin.
Si quelque vapeur de vanité pouvait me monter à la tête, cela me serait arrivé après vos lettres. Mais, mon cher, quand je me considère moi-même, je rabats les trois quarts de l'éloge. Tout ce que votre éloquence prend plaisir à tant relever n'est qu'un peu de fermeté et beaucoup de fortune.a Vous me trouverez le même que vous m'avez quitté, et vous pouvez être persuadé que ces choses qui ont tant d'éclat de loin sont souvent bien petites de près. Enfin, mon cher, le plaisir de jouir de votre société est ce sur quoi je fonde les agréments de ma vie. Il y a grande apparence que nous aurons la paix générale; personne ne la souhaite plus que moi. En attendant, j'emploierai avec vous les heures de mon loisir à étudier; c'est, sans contredit, le meilleur usage que l'on peut faire du temps. Vous verrez un déluge de vers qui ont inondé ma campagne. Il y en a à vous, et des épigrammes pour tous mes ennemis. Adieu, mon cher marquis; je vous embrasse.
a Voyez t. XVIII, p. 128.