<69>C'est à quoi s'attendent mes vers et ceux de mes pareils. Laissons aux génies véritables la gloire qui leur est due; qu'on apprenne par cœur Racine, Rousseau et Voltaire, que mes amis me fassent l'honneur de me lire et de se taire, et que chacun se borne à son métier et se renferme dans son talent. Pour moi, qui suis obligé de faire un métier auquel me condamne l'aveugle hasard de ma naissance, je me force à avoir les talents qui y conviennent, et à réparer par l'art et l'application ce que la nature m'a refusé. Vous voulez vous servir de l'ancienne machine de la religion?
Mais ce sont des armes usées,
Qui se rouillent dans l'arsenal.
Le fanatisme, en général,
Est le sujet de nos risées;
Les femmes mêmes, abusées,
Rejettent son poison fatal.
On ne réveille plus le zèle
Ni pour Luther, ni pour Calvin;
C'est une pâte sans levain.
Cette religion nouvelle
Avait un pouvoir souverain;
Marquis, à présent c'est en vain
Qu'on recherche quelque étincelle
De ce feu dont l'embrasement
Pensa mettre l'Europe en cendre,
Et qui le voudrait entreprendre
Perdrait son temps assurément.
Ce n'est pas que je condamne votre projet; écrivez toujours, et essayez ce que vous pourrez faire. Mais, mon cher, l'intérêt personnel, chez nos bons protestants, l'emporte sur l'attachement qu'ils ont pour la communion sub utraque, et je prévois que dans peu cette religion finira, soit qu'on la détruise en me perdant, soit qu'on la laisse mourir de sa belle mort par extinction de zèle. Pour Sa Sainteté, je le trouve le plus fou de tous les successeurs de saint Pierre.
Sa Sainteté me fait l'honneur
De me traiter, dont je me moque,
Comme on traite le Grand Seigneur.