<85>suré que V. M. les ramènera à leur devoir par l'espérance de la récompense et par l'assurance de l'oubli du passé.
J'ai répondu à M. Bernoulli, ainsi que V. M. m'a fait la grâce de me l'ordonner. J'ai l'honneur, etc.
71. AU MARQUIS D'ARGENS.
(Fürstenwalde) 22 août 1759.
Vous faites, mon cher, le panégyrique d'une armée qui ne l'a pas mérité. Les soldats ont eu de bonnes jambes pour fuir, et n'en avaient point pour attaquer l'ennemi. Je me battrai sans doute, mais ne vous flattez pas sur l'événement. Je ne m'en promets rien de bon. C'est ma fidélité inviolable pour ma patrie, c'est l'honneur qui me fait tout entreprendre; mais ces sentiments ne sont pas accompagnés par l'espérance. Un heureux hasard est ce qui peut nous sauver. Allez, à la garde de Dieu, à Tangermünde, où vous serez bien, et attendez ce que le destin aura ordonné de nous. J'irai demain reconnaître l'ennemi. S'il y a quelque chose à faire, nous l'entreprendrons après-demain. Mais, si l'ennemi se tient sur les vignes de Francfort, je n'oserai jamais l'attaquer. Non, le supplice de Tantale, les peines de Prométhée, la punition de Sisyphe, ne sont rien en comparaison de ce que je souffre depuis dix jours. La mort est douce en parallèle d'une telle vie. Ayez compassion de mon état; croyez que je cache encore bien des choses fâcheuses dont je ne veux ni affliger ni inquiéter personne, et que je ne vous donnerais pas le conseil de fuir de ces contrées infortunées, si j'avais quelque rayon d'espérance. Adieu, mon cher; plaignez-moi, et souvenez-vous d'un ami qui vous estime, et qui vous aimera jusqu'au dernier soupir de sa malheureuse vie.