<90>J'ai toujours pensé, Sire, et j'en suis encore fermement convaincu, que cette ligue monstrueuse qui s'est formée contre V. M. aura la fin de celle de Cambrai. Enfin, Sire, tout ira bien, pourvu que vous conserviez votre personne si précieuse à votre État, et à laquelle est attaché non seulement le bonheur de tous vos sujets, mais la liberté de toute l'Allemagne. J'ai l'honneur, etc.
76. DU MÊME.
Berlin, 6 octobre 1759.
Sire,
Une femme, nommée madame Tagliazucchi, qui m'avait toujours été inconnue, m'écrivit hier qu'elle s'adressait à moi pour que j'avertisse V. M. qu'elle avait des choses de la plus grande conséquence à lui révéler, et qui regardaient directement votre personne. J'envoyai sur-le-champ chercher cette femme; elle me dit qu'elle était l'épouse du poëte qui fait les opéras. Je lui demandai d'abord si ce qu'elle savait regardait quelque attentat contre la personne de V. M.; elle me dit que non, et que ce qu'elle voulait déclarer était cependant très-important, quoiqu'il ne regardât pas la personne sacrée de V. M. Je la questionnai beaucoup, mais elle ne voulut jamais s'ouvrir entièrement à moi, disant toujours qu'elle ne confierait son secret qu'à V. M., ou à la personne à qui V. M. m'écrirait de lui dire de s'adresser. Cependant, Sire, quoique cette femme ait voulu me faire un mystère de son secret, je crois l'avoir découvert par les questions captieuses que je lui ai faites, et voici ce que je pense. Cette femme est née sujette de la reine de Hongrie. Elle voyait ici beaucoup d'officiers étrangers, et surtout des Italiens; quelqu'un de ces officiers aura cru cette femme capable d'entretenir une correspondance et de donner des avis à la cour de Vienne. Soit que cette femme ait d'abord été séduite, et que la crainte de ce qui pouvait lui arriver l'ait fait changer de dessein, soit qu'elle n'ait agi que pour