82. AU MÊME.
(Sophienthal) 26 octobre 1759.
Je reçois votre lettre, mon cher marquis, dans les tourments de la goutte, et je me suis ressouvenu que le philosophe Posidonius, lorsque Pompée passa par Athènes,b et lui fit demander s'il pouvait l'entendre sans que cela l'incommodât, lui répondit : Il ne sera pas dit qu'un aussi grand homme que Pompée veuille m'entendre, et que la goutte m'en empêche; et il fit à Pompée un beau discours sur le mépris de la douleur, en s'écriant quelquefois : O douleur! quoi que tu lasses, tu ne me feras pas avouer que tu sois un mal. J'imite ce philosophe, et je vous réponds, à vous, dont le caractère vaut mieux que ceux de tous les Pompées pris ensemble. Vous voulez savoir mon mal, mon cher : perclus du bras gauche, des deux pieds et du genou droit; ma main droite, le seul membre dont jusqu'à présent j'aie l'usage libre, me sert à vous écrire et à vous prier encore de venir à Glogau. Je me fais porter demain à .....,a qui est à un demi-mille d'ici. Vous tunes, maladies, pertes d'amis, incapacité d'agir lorsque cela serait nécessaire, que cela ne réjouit pas. Vous n'avez rien à craindre; les Russes vont à Posen, et de là à Thorn. Le chemin est sûr par Berlin, Francfort, Crossen, jusqu'ici; ainsi vous pourrez voyager comme en pleine paix. Adieu, mon cher; ma grande faiblesse m'empêche de continuer.
b Par Rhodes. Voyez les Tusculanes de Cicéron, liv. II, chap. 25.
a Köben, dont le nom est omis dans les Œuvres posthumes, t. X, p. 330.