268. AU MARQUIS D'ARGENS.
Bögendorf, 26 septembre 1762.
Je vous dois sans doute bien des excuses, mon cher marquis, de vous avoir annoncé avec trop de présomption la fin de notre siége <352>au 12 de ce mois. Nous y sommes encore; les mines nous ont beaucoup arrêtés. A présent nous sommes maîtres du chemin couvert, et, comme voilà le plus grand obstacle levé, je me flatte que le reste ira plus vite. Il nous faut employer six semaines à reprendre une place que nous avons perdue en deux heures. Cela ne fait pas l'éloge de notre habileté ou de notre courage. Je suis venu ici moi-même, pour presser autant qu'il est possible nos travaux et hâter l'ouvrage. Je ne veux plus être prophète, ni vous annoncer le jour de la réduction; mais je crois que cela pourra durer encore quelques jours. Le génie de Gribeauval défend la place plus que la valeur des Autrichiens. Ce sont des chicanes toujours renaissantes qu'il nous fait de toutes les façons. Enfin, mon cher, je suis obligé de faire ici le métier d'ingénieur et de mineur; il faut bien que nous réussissions à la fin. Nous faisons à présent une mine pour faire sauter l'enveloppe; j'en attends l'effet, après quoi nous donnerons l'assaut au fort que nous attaquons, et ce sera probablement ce qui réduira le commandant à capituler. Ce point-ci aplani, il en reste encore bien d'autres pour parvenir à la paix. N'y pensons pas; levons les difficultés les unes après les autres. Songeons à ce qu'il faut faire aujourd'hui, et demain nous penserons à ce que les conjonctures différentes exigeront de mesures de notre part. Voilà, mon cher marquis, où nous en sommes logés pour le moment présent. Supportez avec patience notre maladresse et notre ignorance. Votre poule en prospérera davantage et en deviendra plus grasse, et ce qui se fait attendre fait plus de plaisir que ce qui est obtenu facilement. Voilà tout ce que je puis vous dire de nouveau, car rien n'est plus vieux ni plus durable que l'amitié que j'ai pour vous. Adieu.