<105>droits. Ségur, au lieu de tomber avec toutes ses forces sur un de ces trois corps pour les détruire en détail, se retira vers la ville d'Ens; il ne s'y crut pas même en sûreté. Une terreur panique hâta sa fuite; il courut d'une haleine à Linz, où il se fortifia. M. de Khevenhüller ne lui donna pas le temps de reprendre ses esprits; il le poursuivit avec vivacité; et le monde apprit avec étonnement que quinze mille Autrichiens bloquaient à Linz quinze mille Français : tant un seul homme peut donner d'ascendant à ses troupes sur celles de son ennemi.
L'électeur de Bavière, consterné d'un revers auquel il ne s'attendait pas, eut recours à l'amitié du Roi; il le conjura dans les termes les plus tendres de ne le point abandonner, et de sauver son État et ses troupes par une puissante diversion : il désirait que les Prussiens pénétrassent par la Moravie en Autriche, pour donner à M. de Ségur le temps de respirer.
Il faut se rappeler pour un moment la situation où se trouvaient les armées. La position où se trouvait l'armée principale de la reine de Hongrie était très-judicieuse : elle avait le dos tourné vers le Danube, sa droite couverte par les marais de Wittingau, sa gauche, par la Moldau et par Budweis, son front, par Tabor. Les alliés décrivaient avec leurs troupes comme un demi-cercle autour de ces quartiers, de sorte que dans leurs opérations ils avaient l'arc à décrire, et les Autrichiens, qui étaient au centre, celui de la corde; de plus, leurs troupes, étroitement resserrées dans leurs quartiers, couvraient les opérations de M. de Khevenhüller contre les Français; ils tenaient à l'Autriche, d'où ils tiraient leurs vivres et leurs secours; ils maintenaient un pied en Bohême, de sorte qu'à l'ouverture de la campagne ils pouvaient se flatter de redresser leurs affaires. Pour déloger cette armée d'un poste aussi avantageux, il était de la dernière nécessité que les alliés fissent un effort général, pour que les Autrichiens, attaqués de tous côtés, succombassent sous le nombre de leurs ennemis. Ce plan fut proposé à M. de Broglie, sans qu'on pût jamais le persuader d'y concourir.
Quoique le peu de concert et de bonne volonté qui régnait entre les alliés, obligeât d'abandonner le projet le plus décisif pour rendre la supériorité aux armées des Français et des Bava-