<108>ennemie, du côté de Frauenberg, tandis que les Prussiens et les Saxons les prendraient en flanc vers Iglau. Le comte de Saxe objecta que le maréchal de Broglie avait à peine seize mille hommes avec lui, et que l'expédition d'Iglau manquerait faute de fourrages et de subsistances. La première objection était sans réplique; quant à la seconde, le Roi se chargea de la lever, d'aller à Prague se concerter avec M. de Séchelles, intendant de l'armée, sur les moyens de fournir des vivres aux Saxons. Sur ces entrefaites, le roi de Pologne entra dans la chambre. Après quelques civilités, le Roi voulut du moins lui faire l'honneur de lui communiquer à quel usage on destinait ses troupes. Le comte Brühl avait vite plié la carte de la Moravie; le Roi la lui redemanda; on l'étala de nouveau, et ce prince fit en quelque sorte le vendeur d'orviétan, débitant sa marchandise le mieux qu'il était possible : il appuyait surtout sur ce que le roi de Pologne n'aurait jamais la Moravie, s'il ne se donnait la peine de la prendre. Auguste III répondait oui à tout, avec un air de conviction qui était mêlé de quelque chose dans le regard qui dénotait l'ennui. Brühl que cet entretien impatientait, l'interrompit en annonçant à son maître que l'opéra allait commencer. Dix royaumes à conquérir n'eussent pas retenu le roi de Pologne une minute de plus. On alla donc à l'opéra, et le Roi obtint, malgré tous ceux qui s'y opposaient, une résolution finale.
Il fallait brusquer l'aventure comme on prend une place d'assaut; c'était le seul moyen de réussir à cette cour. Le lendemain,a à six heures du matin, le Roi fit inviter le père Guarini, qui était en même temps une espèce de favori, de ministre, de bouffon et de confesseur. Ce prince lui parla de façon à lui persuader qu'il ne voulait réussir que par lui : la finesse de cet Italien fut la dupe de son orgueil. Le père Guarini, en quittant le Roi, se rendit auprès de son maître, qu'il acheva de confirmer dans la résolution qu'il avait prise. Enfin le Roi partit de Dresde, après avoir vaincu tous les obstacles, la mauvaise volonté du comte de Brühl, le peu de résolution d'Auguste III, et les tergiversations du comte de Saxe, qui, peu occupé de la Bavière, avait encore les chi-
a 20 janvier.